Reconversions professionnelles : les syndicats étrillent le projet patronal

17/06/2025

Les discussions patinent alors que les syndicats critiquent un texte du Medef imprécis et une méthode de négociation inefficace. Une dernière chance de compromis est prévue le 25 juin.

Incohérences juridiques, oublis, imprécisions flagrantes, sans oublier une méthode de négociation jugée totalement contre-productive : les syndicats étaient unanimes ce lundi en milieu d'après-midi pour rejeter la troisième version du projet d'accord patronal sur les reconversions professionnelles censé nourrir l'ultime séance de leur négociation. En conséquence de quoi les partenaires sociaux ont préféré renvoyer les débats à une ultime réunion, le 25 juin.

Choqués d'avoir découvert quand ils se sont assis à 10 heures un texte toujours aussi peu abouti, malgré quelques avancées dans leur sens, les syndicats n'ont pas ménagé leurs critiques. Pour le chef de file CFDT, Yvan Ricordeau, un tel « niveau de flou » pose la question de la « maîtrise » du sujet par le patronat. Le projet « n'est pas opérationnel et il est dogmatique », a ajouté Jean-François Foucard, pour la CFE-CGC, s'interrogeant, lui aussi, sur la capacité du Medef à « écrire un accord qui tienne la route »

Pas compliqué

En l'état actuel de la négociation, « l'équilibre du texte n'est pas en faveur des salariés », a jugé Sandrine Mourey pour la CGT, critiquant la volonté des employeurs de leur « piquer leur compte personnel de formation à tous les étages ! » « On devrait parler du compte patronal de formation », avait-elle déjà ironisé à l'issue de la séance précédente.

Le sujet ne s'annonçait pourtant pas très compliqué, très loin de ce qui se joue avec les retraites par exemple. D'autant que les partenaires sociaux l'ont passablement défriché : via la négociation sur le pacte de la vie au travail, même si elle a échoué en avril 2024 devant l'opposition du Medef et de la CPME à lâcher sur certaines exigences des syndicats, pour aboutir quelques jours plus tard, mais avec seulement l'U2P côté patronal.

Pour Maxime Dumont de la CFTC, la difficulté pour les trois organisations d'employeurs à trouver un compromis de départ pour cette nouvelle négociation peut expliquer qu'on en soit arrivé à un tel « gloubi-boulga ». « C'est très flou, et quand c'est fou… », a-t-il lâché. De fait, « on a rarement vu un projet de texte aussi mal écrit en début de négociation avec une telle impression de travail bâclé », juge un très bon connaisseur du sujet, sous couvert d'anonymat.

Parmi les points qui interrogent les syndicats, il y a le fonctionnement de la période de reconversion, du nom du nouveau dispositif proposé par le patronat à la main de l'employeur. Il y a aussi les conditions de maintien du salaire pendant la formation et ce qui se passe à son issue. « La sécurisation de la rupture du contrat de travail constituera le vrai enjeu de la prochaine séance », a résumé Michel Beaugas pour FO.

Plus globalement, les syndicats s'interrogent sur la volonté du patronat d'aboutir, rappelant qu'il s'est passé un mois et demi entre l'envoi par la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, du courrier invitant les partenaires sociaux à se resaisir du sujet et la première séance organisée par le Medef pour arrêter calendrier et méthode. Alors quand, lundi, ils ont découvert, en réponse à une question de la CFDT, que le congé de mobilité (un dispositif d'aide du salarié en cas de rupture acceptée de son contrat de travail) allait être supprimé, « cela a été le pompon », a réagi Yvan Ricordeau. On est face à la « conduite patronale la plus négative depuis longtemps », a-t-il lâché.

L'horloge tourne

Les représentants patronaux, eux, n'ont pas souhaité s'exprimer. Même si une négociation interprofessionnelle est souvent affaire de postures jusqu'à la fin, une chose est sûre : l'horloge tourne. En cas de fumée blanche mercredi prochain, le ministère pourra commencer à traduire le projet d'accord juridiquement mais il faudra que chacun des partenaires sociaux réunisse ses instances pour se prononcer officiellement. Ce qui pourra prendre une, voire deux semaines.

Le créneau pour la transposition par le Parlement s'annonce par conséquent très court. Déjà passé au Sénat, le projet de loi sur l'emploi des seniors censé servir de véhicule législatif aux reconversions arrive à l'Assemblée nationale lundi prochain. La séance extraordinaire de juillet ne sera pas de trop.

Source : lesechos.fr