En 2024, le taux d’emploi des 55-64 ans n'a jamais été aussi élevé depuis 1975. Mais malgré cette dynamique, la France reste loin derrière ses voisins européens, et les inégalités - notamment entre hommes et femmes - persistent.
Depuis le début des années 2000, ce dossier revient sur la table des ministres du Travail successifs : le taux d'emploi des seniors en France, qui est un des plus faibles de l'Union européenne. Mais bon an, mal an, la courbe est en train de s'améliorer. Une bonne tendance qui transparaît dans les différentes enquêtes de la direction statistique du ministère du Travail (Dares). Et notamment la dernière publiée ce mercredi, et qui porte sur l'année 2024.
Selon celle-ci, l'année dernière, le taux d'emploi des 55-64 ans a atteint 60,4 %, soit « son plus haut niveau depuis qu'il est mesuré » par la Dares (1975). C'est deux points plus qu'il y a un an (58,4 %). En comparaison, le taux d'emploi des 25 à 49 ans est de 82,8 %, preuve que la problématique de l'emploi des seniors est toujours d'actualité.
Si l'on regarde sur dix ans, la tendance positive est assez nette : entre 2014 et 2024, le taux d'emploi des seniors a haussé de 9,7 points. En outre, indique la Dares, le taux de chômage des seniors, lui, reste assez faible : 5,2 % en 2024, bien en dessous de la moyenne du global des actifs (7,5 %).
Toujours un écart avec l'UE
Malgré une tendance encourageante, la Dares rappelle néanmoins que le taux actuel d'emploi des Français seniors « demeure inférieur à la moyenne de l'Union européenne, qui est de 65,2 % ». D'après l'enquête, la France se classe donc 17e sur les 27 pays européens. En dessous d'elle, on trouve la Belgique (59,4 %), puis l'Italie (59 %). L'Espagne (61,1 %) se situe juste au-dessus de l'Hexagone, le Portugal (67,6 %) est loin devant, tandis que l'Allemagne (75,2 %) et la Suède (78,1 %) sont les bons élèves de l'UE.
En outre, une tendance est toujours à l'œuvre, d'après la Dares : le taux d'emploi des seniors décroît toujours aussi rapidement après 60 ans, passant sous les 60 % dès 61 ans, et sous les 20 % à 64 ans. Cela s'explique logiquement par les départs massifs à la retraite à partir de cet âge. De sorte qu'à 64 ans, plus de trois quarts des seniors sont déjà retraités.
Les femmes moins bien loties
Autre information notable mise en exergue par la Dares : les femmes âgées de 55 à 64 ans affichent un taux d'emploi de 58,7 %. Un chiffre plus faible que les hommes, dont le taux est de 62,1 %.
Lorsqu'on reprend les chiffres de l'année 2023, on constate le même problème d'écart. Mais l'amélioration est tout de même au rendez-vous puisque 57,1 % des femmes seniors étaient en emploi l'année dernière en France, et 59,7 % des hommes. En revanche, si l'on compare cette donnée à la moyenne de l'UE, la France est toujours derrière. En effet, 59,4 % des femmes de cette tranche d'âge étaient en emploi sur le Vieux Continent. Et le chiffre monte à 72 % pour les hommes seniors, soit quasi 10 points de plus que l'Hexagone.
En revanche, l'écart de genre est assez béant sur le travail à temps partiel : en 2024, les femmes françaises seniors travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes, avec un taux à 32,6 %, contre 10,7 %. En 2023, elles étaient 31,7 %, la tendance en la matière ne s'est donc pas améliorée.
« Pas une surprise »
Si Benoit Coquet, docteur en économie spécialisé sur l'emploi et chercheur associé à l'OFCE, « constate bien une tendance positive, ce n'est pas du tout une surprise ». En effet selon lui, les réformes successives des retraites, à commencer par celle de 1993, impulsée par Édouard Balladur, « ont repoussé l'âge de départ de la retraite et la durée de cotisation ». Il y a donc, d'après l'expert, un effet mécanique sur le taux d'emploi des 55-64 ans, qui sont de facto plus nombreux à travailler aujourd'hui.
La Dares va dans le sens de cette analyse, et évoque la réforme des retraites de l'année 2023, sous gouvernement Borne, qui a reporté l'âge l'égal de départ de 62 à 64 ans. « Pour les personnes nées entre 1962 et 1963, qui sont les premières générations intégralement concernées par la dernière réforme des retraites, le taux d'emploi est supérieur », affirme même le service statistique affilié au ministère du Travail. En guise d'exemple, celui-ci indique qu'à 60 ans, le taux d'emploi de la génération 1962 est plus élevé d'environ 6 points que celui de la génération 1961, non concernée par la réforme.
De plus, analyse Bruno Coquet, il faut rappeler que « la majorité des entreprises françaises gardent en emploi leurs seniors » et s'adaptent finalement au recul de l'âge de départ ou l'allongement de la durée de cotisation.
Discrimination à l'embauche
Ceci étant dit, l'économiste tient à mettre en garde : « Ces chiffres n'effacent pas le problème de l'emploi des seniors en France, qui se manifeste notamment par la discrimination à l'embauche, la surexposition aux licenciements économiques ou encore le manque de formation professionnelle ».
Autre fait qui inquiète chercheur associé à l'OFCE : « Chaque année, il y a environ 70 000 Français qui sont mis en préretraite par leurs entreprises. C'est considérable. » Pour les entreprises qui proposent ce genre d'option, l'intérêt est évident : remplacer des employés dont le salaire est plus élevé, par des salariés plus jeunes, moins bien payés. Pourtant, souligne l'économiste, les seniors sont en général « plus compétents » du fait de leur expérience, donc « intéressants » pour créer de la valeur dans une entreprise.
Un décret pour qui donne accès plus tôt à la retraite progressive Le gouvernement vient de prendre une nouvelle initiative en matière d'emploi des seniors. Un décret abaissant le droit à la retraite progressive à 60 ans (contre 62 ans) a été publié ce mercredi, avec une entrée en vigueur au 1er septembre. Ce dispositif permet aux salariés de bénéficier d'une fraction de leur retraite tout en exerçant une activité professionnelle réduite, afin de continuer à améliorer leurs droits à la retraite. Pour en profiter, le salarié devra avoir cotisé pour la retraite pendant au moins 150 trimestres. « La fin de carrière ne doit plus être angoissante et strictement binaire - temps plein ou rien - mais au contraire s'adapter aux envies et besoins de chacun tout en favorisant le maintien dans l'emploi le plus longtemps possible », a estimé la ministre du Travail ce mercredi, auprès de l'AFP. |
Source : latribune.fr